
Chili, un souvenir douloureux
Regards croisés de Marisa Cornejo et Verónica Estay, deux autrices qui ont quitté le Chili et ont raconté le parcours de leur exil dans deux récits, en partie autobiographiques qui abordent la douloureuse mémoire de l’exil depuis l’enfance.
Leurs deux livres se recoupent, mais en même temps chacune raconte la période dictatoriale au Chili à partir d’un point de vue différent. Cette rencontre / lecture permettra de réfléchir à la narration des événements traumatiques et contribuera à compléter les études et les réflexions sur la transmission transgénérationnelle. Sur les différents niveaux de réparation que l’écriture parvient à nommer et à mobiliser pour que les victimes deviennent actrices de leur histoire et que la douleur et les pertes de ces récits deviennent une force mobilisatrice de solidarité.
Intervenantes

Née au Mexique en 1980, Veronica Estay Stange, qui vit aujour d’hui en France, n’a connu du Chili que ce qu’en racontaient ses parents, des militants communistes torturés et emprisonnés sous la dictature d’Augusto Pinochet avant d’être contraints à l’exil. Mais de vives émotions la traversent dès qu’elle est replongée dans ce passé. C’est à partir de cette « post-mémoire » que cette chercheuse en sémiotique et en littérature a décidé de retracer, en français, son histoire familiale.

Marisa Cornejo est une artiste plasticienne, d’origine chilienne, qui travaille aujourd’hui en Suisse. Née le 26 septembre 1971 à Santiago du Chili, elle quitte le pays avec sa famille en 1973, après le coup d’État de Pinochet. Pendant leur exil, elle vivra successivement en Argentine, en Bulgarie, en Belgique et au Mexique où elle étudiera la danse contemporaine, puis des études en arts visuels.
Les livres

Fille d’exilés politiques chiliens, Verónica n’a jamais connu la répression ou la torture, pourtant elle les ressent jusque dans sa chair. Elle n’a pas grandi dans son pays, pourtant il lui manque cruellement. Condamnée à vivre des émotions par rebond, nostalgique d’un passé qu’elle n’a pas vécu, c’est une exilée de l’exil. Fille de victimes, elle est aussi la nièce d’un des bourreaux et traîtres les plus connus de la répression chilienne, Miguel Estay, dit El Fanta.
Comment réconcilier ces deux hérédités ?

Une caisse de 3 mètres cubes est déposée devant une villa dans les environs de Genève. Elle arrive du Mexique et renferme quelques meubles, des objets d’art, des peintures, dessins, gravures et des milliers de photographies. C’est l’essentiel de l’archive d’Eugenio Cornejo, victime d’emprisonnement politique et de torture sous la dictature de Pinochet.
Marisa Cornejo, sa fille, a organisé le sauvetage, et poursuit dès lors la fouille et le tamisage de l’archive de son père. Les images ainsi révélées comblent les trous de mémoire de la petite fille qui a vécu ce périple entre sa 2e et sa 9e année et lui permettent de construire un récit à partir de ce qui n’avait été jusque-là qu’une confusion traumatique indicible.